La perte simultanée de sources froides

Cas extrême. Cette situation, mise en évidence lors de la catastrophe de Fukushima en 2011, est déjà étudiée en France depuis plusieurs années.

Le réservoir de sauvegarde du bâtiment réacteur est une innovation de sûreté de l’EPR de Flamanville (Manche). Des essais de mise en eau ont été réalisés pour tester l’étanchéité de son revêtement en inox.
Le réservoir de sauvegarde du bâtiment réacteur est une innovation de sûreté de l’EPR de Flamanville (Manche). Des essais de mise en eau ont été réalisés pour tester l’étanchéité de son revêtement en inox. - © Alexis Morin/EDF

Que se passerait-il si plusieurs réacteurs d’un site, voire tous, perdaient simultanément leur source froide ? La centrale pourrait-elle faire face ?
En France, la situation d’un accident affectant plusieurs réacteurs à la suite d’une agression est déjà examinée depuis plusieurs années.
À la demande de l’IRSN, à l’occasion du troisième réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MWe, l’exploitant a lancé en 2005 des études sur le risque et les conséquences d’une éventuelle perte totale de toutes les sources froides d’un site. Des études équivalentes ont par la suite été menées pour les autres paliers (1300 MWe, N4).
“EDF a réalisé beaucoup d’études qui ont été examinées par l’IRSN, par exemple sur le partage des ressources en eau entre les différents réacteurs d’un site”, confirme Patricia Dupuy, responsable à l’Institut du Service d’évaluation des systèmes et des risques. Le principal point de fragilité concerne la réserve d’eau utilisée pour alimenter les générateurs de vapeur car, en général, commune à plusieurs réacteurs.  

Création d’une source froide diversifiée

Après beaucoup d’échanges entre l’exploitant et l’Institut, les quantités d’eau prescrites sur les sites sont désormais suffisantes pour réalimenter un réservoir appelé “bâches ASG” et satisfaire les besoins des générateurs de vapeur de tous les réacteurs pendant la durée estimée de perte de la source froide. L’événement de Cruas (Ardèche) en 2009 a confirmé la pertinence de cette approche (lire encadré).
“L’accident de Fukushima a conduit à envisager une nouvelle situation accidentelle : une perte totale des sources froides et de l’électricité affectant l’ensemble des réacteurs et piscines d’entreposage de combustibles usés, qui se prolonge dans le temps, rappelle Patricia Dupuy. Nous avons examiné les dispositions retenues par EDF pour gérer une telle situation."
Des modifications de grande ampleur sont prévues ou engagées, telles que la création d’une source froide diversifiée utilisant par exemple l’eau de la nappe phréatique, ou encore la Force d’action rapide nucléaire (Farn) convoyant des moyens mobiles capables de venir au secours d’une centrale en difficulté. 

Diaporama : Les expertes de l'IRSN à Cruas

Une drome flottante pour arrêter les gros colmatants charriés par le Rhône Véronique Bertrand, experte à l’IRSN et les ingénieurs d’EDF échangent sur la drome flottante, barrage protégeant le canal d'amenée de la centrale de Cruas (à droite sur l'image)
Une drome flottante pour arrêter les gros colmatants charriés par le Rhône Véronique Bertrand, experte à l’IRSN et les ingénieurs d’EDF échangent sur la drome flottante, barrage protégeant le canal d'amenée de la centrale de Cruas (à droite sur l'image)
Un tambour filtrant pour la filtration fine. Patricia Dupuy, experte IRSN, observe le fonctionnement du tambour filtrant. 
Un tambour filtrant pour la filtration fine. Patricia Dupuy, experte IRSN, observe le fonctionnement du tambour filtrant. 
Un tambour filtrant est la dernière barrière pour stopper les déchets charriés par l’eau du fleuve avant qu’elle soit délivrée à la centrale. Il est constitué d'un filtre au maillage de 1mm. 
Un tambour filtrant est la dernière barrière pour stopper les déchets charriés par l’eau du fleuve avant qu’elle soit délivrée à la centrale. Il est constitué d'un filtre au maillage de 1mm. 
Un tambour filtrant pour la filtration fine. Vanessa Munier (au premier plan), ingénieur EDF, observe avec Patricia Dupuy, experte IRSN, le local du tambour filtrant. 
Un tambour filtrant pour la filtration fine. Vanessa Munier (au premier plan), ingénieur EDF, observe avec Patricia Dupuy, experte IRSN, le local du tambour filtrant. 
Un système anti-frasil. Les expertes de l’IRSN et les ingénieurs EDF observent le système de pompage de la recirculation d'eau chaude anti-frasil, cristaux de glace représentant un risque d’obstruction de la prise d’eau de la centrale. 
Un système anti-frasil. Les expertes de l’IRSN et les ingénieurs EDF observent le système de pompage de la recirculation d'eau chaude anti-frasil, cristaux de glace représentant un risque d’obstruction de la prise d’eau de la centrale. 
Un dégrilleur nettoie les grilles des débris. Ici la benne récupère des débris charriés par l'eau avant son entrée dans le tambour filtrant. Ils sont relevés par le dégrilleur, sorte de peigne métallique motorisé. 
Un dégrilleur nettoie les grilles des débris. Ici la benne récupère des débris charriés par l'eau avant son entrée dans le tambour filtrant. Ils sont relevés par le dégrilleur, sorte de peigne métallique motorisé. 
Des capteurs pour garantir le niveau de débit d’eau. Patricia Dupuy, experte à l’IRSN, inspecte avec Vanessa Munier, ingénieur référent Agression à la centrale de Cruas, les capteurs de mesure du niveau d'eau. Ils garantissent le débit d'eau nécessaire
Des capteurs pour garantir le niveau de débit d’eau. Patricia Dupuy, experte à l’IRSN, inspecte avec Vanessa Munier, ingénieur référent Agression à la centrale de Cruas, les capteurs de mesure du niveau d'eau. Ils garantissent le débit d'eau nécessaire

Crédit du diaporama : @ Noak/Le Bar Floréal/IRSN

Bibliographie

Avis relatif à l’examen du retour d’expérience des réacteurs à eau sous pression du parc nucléaire, période 2009-2011 :  www.asn.fr 

Synthèse du rapport de l’IRSN sur l’examen de retour d’expérience d’exploitation des réacteurs à eau sous pression du parc nucléaire pour la période 2009-2011 : www.irsn.fr/Rex-Reacteurs-2009-11 

French PWR’s ultimate heat sinks threatened by their environment : https://www.iaea.org/INIS 

Vulnérabilité des sources froides vis-à-vis des agressions externes, réunion du GPR du 13 février 2014, ASN Montrouge : www.asn.fr 

Pour en savoir plus

Repères n°6 – p. 6-7   
“Pour que l’incident de Cruas ne se reproduise jamais” www.irsn.fr/cruas-2009 

Contacts

celine.picot@irsn.fr
veronique.bertrand@irsn.fr 

Retrouvez la suite du dossier

Article publié en juillet 2016